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Wednesday, December 30, 2020

Vahé Godel: Je vous écris

avec un brin de chance

et l’écume d’un jour d’orage

je vous écris quelques lignes tremblantes

sur une pétale de tulipe


avec un aiguillon d’hyménoptère

et la salive d’une veuve

je vous écris ma dernière missive

sur une écorce de platane


avec une plume liliputienne

et le sang d’une taupe je vous écris mes

souvenirs de déserteur sur

la coquille d’un œuf de caille


avec le pinceau du silence et le bleu du 

ciel je vous écris l’histoire de mes

fugues sur l’aile d’une libellule


avec une allumette et l’encre des tenèbres

je vous écris le fond de ma pensée

sur un caillou blanc parfaitement lisse


avec un cure-pipe et le venin du verbe

je vous écris ce que je vois

sur les paupières

de l’invisible


avec une tigelle d’or et la semence

d’un bouc mythologique

je vous écris ma vie sur un ticket de bus


avec le bout de mon index

et l’urine d’une vestale

les yeux fermés je  vous écris ma mort

sur la queue d’un iguana


avec un spray de peinture incolore

la nuit dans les sous-sols j’invente des

écritures je vous écris sur tous les murs

où que je sois je vous signale ma présence



I write you
translated from French by Victor Pambuccian



with a touch of luck
and the froth of a stormy day
I write you a few trembling lines
on the petal of a tulip

with the stinger of some hymenopteran
and the spittle of a widow
I write you this last missive
on the bark of a plane tree

with a Lilliputian feather
and the blood of a mole I write you the
memoirs of a deserter on
the shell of a quail egg

with the paintbrush of silence and the blue
of the sky I write you the story of my
fugues on the wing of a dragonfly
with a matchstick and the ink of darkness
I write you the bottom of my thought
on a perfectly smooth white pebble

with a pipe cleaner and the verb’s poison
I write you what I see
on the eyelids
of the invisible

with a golden seedling stem and the seed
of a mythological male goat
I write you my life on a bus ticket

with the tip of my index finger
and the urine of a Vestal virgin
eyes closed I write you my death
on the tail of an iguana

with a spray can of colorless paint
at night in basements I invent
writing systems I write you on all walls
wherever I happen to be I give you a sign of my presence


This poem appeared in VESTIGES
 

Tuesday, December 29, 2020

Vahé Godel: le plus troublant

le plus troublant


n’est pas le silence des loups

l’absence de remous

la fuite des heures ni même 

la déroute des mots

                              mais bel et bien

le Trou – l’aveuglante blancheur

du Trou


most ominous

Translated by Victor Pambuccian from French 


most ominous

is not the silence of the wolves

the absence of countercurrents

the flight of the hours not even

the perversion of words

               but actually

the Opening– the blinding whiteness

of the Opening




This translation appeared in Black Sun Lit Vestiges an irregularly printed journal of prose, poetry, essay, and art.

Friday, December 25, 2020

Vahé Godel: Contrôle d’identité

—quel est ton nom ?—celui du fondateur
d’une ville inconnue celui d’une espèce
d’oiseaux tout à fait disparue
celui d’une langue oubliée celui
d’un beau navire perdu corps et biens

—quel âge as-tu ?—l’âge qu’avait le père
de mon père lorsque j’ai vu le jour
l’âge qu’avait mon père lorsque j’ai
levé l’ancre l’âge qu’aura mon fils
lorsqu’enfin je n’aurai plus rien à perdre

—d’où viens-tu ?—de l’épicentre des hauts
plateaux de la zone occupée de la
gare de la morgue de nulle part

—où vas-tu ?—vers la seule source vers
l’embouchure vers le toit du monde au
fond de l’abîme dans la nuit de mon
crâne dans le soleil de mes entrailles

—qui es-tu ?—le neveu du vent l’amant
de la cendre le disciple du feu
l’héritier du vide—mais encore ?—un
éternel rôdeur un déserteur ou
mieux : un pilleur de déserts un briseurs
de débris un voyageur immobile
un voyeur borgne un chasseur d’ombres
(une ombre)

Click here to hear Vahé Godel reading his work in 2007.


Identity Check
Translated by Victor Pambuccian from French (Switzerland)

—what is your name?—that of the founder
of an unknown city that of a long disappeared
bird species
that of a forgotten language that
of a beautiful ship lost with all hands and cargo

—how old are you?—as old as my father’s
father was when I was born
as old as my father was when I
weighed anchor the age my son will be
when I will have nothing left to lose

—where do you come from?—from the epicenter
from the high plains from the occupied zone from
the train station from the morgue from nowhere

—where do you go?—to the only spring to
the estuary to the roof of the world to
the bottom of the abyss in the night of my
skull in the sun of my bowels

—who are you?—the nephew of the wind the lover
of the ash the disciple of fire
the heir of the void—and who else?—an
eternal prowler a deserter or
rather: a plunderer of deserts a wrecker
of rubble a motionless traveler
a one-eyed seer a hunter of shadows
(a shadow)

The poem and the translation appeared in Two Lines 18,  a print journal published by the Center for the Art of Translation, based in San Francisco.  

Thursday, December 08, 2016

Vahé GODEL, poem illustrated by the artist Lionel Caro

From the website of the artist http://lionelcaro.net/amis/godel.html

Poète et essayiste de double culture : arménienne et suisse; poursuit une oeuvre originale à la frontière de ses deux origines. Par ses traductions, il contribue à faire connaître la poésie classique arménienne. Il est correspondant de la Maison Internationale de la Poésie.

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MEHR LICHT Colline rouge, désert blanc, fleuve jaune, aube verte.
Jour noir, nuit bleue. J’écris ce que je vois sur les paupières de l’invisible.- Qu’est-ce que la couleur ?-Une brise marine qui fait chanter les pierres. (La vue c’est la vie.). Regarde, regarde. Maison bleue, chambre noire, lit rouge, livre blanc. – Qu’est-ce que la lumière ?- Une belle de nuit qui change de robe à tous les coins de rue. (O light ! –so light…) Comme la lumière, le son se réfléchit. Regarde, écoute. L’oiseau, le vent, l’ombre du vent, la trace de l’oiseau, l’or du silence, le cri de la plus longue nuit. (Mehr Licht ! mehr Licht…, mehr…). Ecoute, écoute. La voix faiblit, vacille, s’éteint. (Nichts mehr…, chut !).Rideau. Lumière.

Vahé GODEL

Wednesday, November 30, 2016

Literary Quote for November 2016

un poème est tout ensemble un corps étranger, un nid de résistance, un lieu de perdition...




Vahé Godel (1931- )

Saturday, December 05, 2015

Les oeuvres de Nigoghos Sarafian lu à Genève



Lors des "Rencontres poétiques" co-organisées par le Département des langues méditerranéennes, slaves et orientales de l'Université de Genève, lecture et présentation de l'œuvre poétique de Nigoghos Sarafian, avec une attention particulière au poème Quatorze (1933).

Valentina Calzolari
Professeure associée de langue et littérature arméniennes
Directrice du Département MESLO
Université de Genève
22, Bd des Philosophes
CH-1205 Genève 
Tél. +41 22 379 72 10
Fax +41 21 802 55 43

Saturday, July 24, 2010

ՅԱԿՈԲ ՍԱՐԳԻՍԵԱՆ: ԱՆՑԱԳՐԻՍ ՎՐԱՅ

Անցագրիս վրայ ես երկիր չունիմ,
Ծնայ հրաշքով քիչ մը ամէն տեղ,
Կեանքս թռիչք է սահմանէ անդին,
Սահմաններէ վեր՝ երազ մը շքեղ։

Երկիր փոխելէ դիմագիծ չունիմ
Ես մագաղաթն եմ անգիր, անթափանց,
Տունս չորս պատ է առանց տանիքի
Հասցէս՝ ամպերու ճամբան կորսուած։

Ամէն քաղաքէ անցագիր մ՛ունիմ
Եւ թափառումէ թիւս կը պակսի,
Ես այն ճամբորդի պայուսակն եմ հին
Կապուած չուանով, ցաւով երէկի։

Կապուած չուանէն ամրութիւն չունիմ,
Թէեւ կ՛ամրանայ իմ սիրտս բռունցք,
Թէեւ մութին մէջ լուսիններ կ՛ապրին,
Անապատի վրայ լազուրներ խորունկ։

Հսկայ ծովերէն փոթորիկ չունիմ,
Համակերպողի ժպիտ մը միայն,
Ես զիս ըլլալու կարօտն եմ վերջին
Անհունին նետուած կանչի մը նման։

Ո՞վ էր մկրտած... Ես անուն չունիմ,
Վիշտէն սրբուած անցագիրն եմ ես,
Կարծես ճամμորդի պայուսակն եմ հին,
Որ կը փոխադրէ սիրտ մը ռումμի պէս։

Friday, July 23, 2010

Յակոբ Սարգիսեան։ ՎԵՐՍՏԻՆ

երբ հեռաձայնդ հնչեց
բոլոր իրերը սենեակին լռեցին
բացի սրտիս զարկերէն
եւ թեթեւցած
կարծես հովու սանդուխներէն բարձրացայ
վերացումին տանիքը
հոն ուր աստղեր քու ափերէդ ջուր կ՛ըմպեն
ու ժամերը չեն դաւադրէր լինելութեան
երբ հեռաձայնդ լռեց
դեռ լռութիւնը կը հնչէր ընդերկար
անշուք կահոյքը փոխելով թախիծի
ձայնիդ պատկերն հակառակ կողմ դարձուցի
շիտակ երեսը խաμկանքին
որ վերստին քեզ լսեմ

Wednesday, June 30, 2010

Quote for the month of June

Pénétrez dans les neiges de la plus longue nuit
sombrez dans l'aveuglante obscurité du livre
enivrez-vous de l'hiver du poème
neigez neigez sans fin sur les yeux de la nuit
écrivez votre nuit sur les mains du silence
où le poème brûle tel un oiseau de neige

Vahé Godel, Quelque choise quelqu'un, 1987

Thursday, July 30, 2009

Quote for the Month of July: Vahé Godel

Au sein d’une culture et d’une civilisation entièrement fondées sur le paraître, régies par les seules lois du Nombre, du Marché, du Pouvoir, et donc de la Publicité, “ la place de la poésie ” ne saurait être que souterraine, plus clandestine que jamais : insituable…, c’est à dire en fin de compte, imprenable !

Thursday, July 31, 2008

Vahé Godel: Les arbres

les arbres
les bras les grands arbres
les loups l’étoupe des bras
les arbres les grands arbres couchés
l’étoupe des bras coupés les loups les rats
les grands arbres couchés sur l’esplanade
le trouble des rats dans la chaleur des loups
les grands arbres couchés de tout leur long
les outres sans coutures dans l’espace des branches
les bras coupés les loups les grands arbres de plomb
couchés de tout leur long dans l’étoupe des rats
les arbres la douceur des arbres accouplés
les loups le plomb la chaleur l’esplanade
l’étoupe des grands arbres le long des routes
le sang dans les doublures la boue le sang
des loups la proue de l’esplanade là-bas
les bras cloués dans l’ombre des grands arbres
le plomb coulé dans la bouche des lampes
dans la boue dans l’étoupe dans la trouée du temps
les grands loups attroupés debout sur l’esplanade
dans la rousseur des arbres abattus
sans nombre les grands arbres
tous les arbres les bras
les outres toutes blanches
les rats les loups les clous
les arbres

(Le sang du voyageur, L’Âge d’Homme, Lausanne, 2005)

Sunday, July 27, 2008

Vahé Godel: Voix blanche

(obscursis ta demeure murmure une voix blanche) rompus
tous les circuits brisées toutes les lampes
– globes néons
lustres spots –
(t’éblouisse le noir !)
ne subsiste
qu’une allumette
une seule bougie blanche blanche
comme les parois
d’une cellule
individuelle
d’un centre spatial
d’une salle de réveil
d’un oratoire ou
d’une morgue
blanche comme
les neiges éternelles
de l’innommable
comme l’uniforme
des Gardiennes
du Silence
oui
plus blanche encore
qu’une nuit blanche
( souffle la bougie
ferme les yeux
contemple l’horizon

(Genève, 2002)

Vahé Godel


Vahé Godel est né en 1931 à Genève où il vit, d’une mère arménienne, originaire de Brousse, et d’un père suisse qui, éminent linguiste saussurien, fut aussi l’un des meilleurs spécialistes de la langue arménienne. L’œuvre personnelle de Vahé Godel comprend de nombreux livres (poèmes, récits, essais) dont plusieurs ont paru à La Différence : Exclu inclus (1988), La Poésie arménienne du Ve siècle à nos jours (1990, réedition 2006), Vous (1990), Ov (1992), De plus belle (1993), Arthur autre (1994)


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